I am Josh Polonski's brother

 

 Ce n'est pas dans mon tempérament de donner des limites à un réalisateur. Même si par moment ce n'est pas bon... C'est son expérience ! On en parle avant, je n'ai pas de vérité, juste des intuitions. J'accompagne un réalisateur jusqu'au bout, et même s'il se trompe. Moi je me trompe souvent et ainsi j'apprends.

 

Morceaux choisis de la séance du 7 février, autour du film "I am Josh Polonski's brother" de Raphaël Nadjari, avec Laurent Brunet.

 

Vous pouvez retrouver l'intégralité du texte en bas de page.

 

Bonne lecture!

LE PROJET

 

On va revenir au début : c'est le deuxième film que je faisais avec Raphaël Nadjari et c'était surtout le deuxième tout court pour moi aussi. Ce film venait après The Shade, une autre expérience qu'on avait eu à New-York en Super16, un peu plus financée.  Dans I Am Josh Polonki's brother il y avait une espèce d'urgence. Ne pas attendre les financements, se lancer très vite dans une histore après un  premier film. Ce que je trouvais plutôt intelligent. Souvent les premiers films c'est plutôt fragile et souvent casse-gueule.

            Il a pris le contrepied d'aller vers une histoire jetée sur 6 pages de script et de se lancer à l'aventure avec le Super8. C'est un choix décidé dans un contexte. En 2001 c'était le Dogme, les films de Lars Von Triers (Festen...). Raphaël voulait faire au départ un film noir, un film de famille et le format du Super8 est venu naturellement. Le Super8 est le format du film de famille, le côté granuleux, ce support qui vibre dans tous les sens. Ça a été le choix de ce film. On s'est aussi donné des contraintes avant de tourner. Notamment, ce film est fait entièrement sur pied, contrairement au Dogme avec sa caméra DV, sa caméra stylo... On en a beaucoup discuté et c'était pour nous un moyen de remettre une rigueur à l'intérieur du format. On a tout filmé sur pied : pano, tilt, zoom. On est resté dans un langage des plus basiques du cinéma. Ça a été une contrainte mais je pense que ça a donné de la rigueur au cadre, que ça a amené un langage encore plus pur.

 

                                                                     

 

            On cherchait souvent la distance. Comment filmer ce quartier ? De loin, de près ? Je laisse les acteurs en impro ? Je me rapproche ? On a beaucoup travaillé en terme de plans et non en séquences. On a découpé aussi au fur et à mesure de ce qu'on nous avions pendant les improvisations. C'est un processus toujours en gestation. A chaque fois qu'on était dans un axe on se reposait la question de si on allait mettre la caméra dans un autre angle. On se demandait si ce qu'on allait filmer était nécessaire... On était aussi dans une économie sur quinze jour donc il fallait aller vite.

            Je n'ai rien imposé au réalisateur. J'aurais jamais donné des limites à Raphaël, on a tous participé au film et les limites c'est lui qui les a données. Et d'ailleurs, ce n'est pas dans mon tempérament de donner des limites à un réalisateur. Même si par moment ce n'est pas bon... C'est son expérience ! On en parle avant, je n'ai pas de vérité, juste des intuitions. J'accompagne un réalisateur jusqu'au bout, et même s'il se trompe. Moi je me trompe souvent et donc j'apprends.

            

 

LE CHOIX DU FORMAT

                        

           Lorsque Raphaël m'a dit qu'on allait faire un truc en Super8, je ne connaissais rien de ce format. On a loué la caméra à la Fnac Entreprise et j'ai passé la frontière avec la caméra et 400 bobines de Super8. Je ne savais pas bien si c'était possible de faire ce film, et j'ai souvent été dans le doute. Un doute technique parfois aussi : on était à New York en hiver, avec une pellicule 200 ASA, alors qu'à quatre heure de l'après midi il n'y a plus de lumière. On est parti avec 400 cassettes de 3 minutes. On faisait des claps, même si les caméras était quartzées de manière un peu aléatoire. On a du en racheter 200 boites. On a épuisé tous les stocks de 200T à New York ! Cette pellicule était faire pour les caméras de surveillance de centrale atomique !

            On a aussi pété des caméras. On en a cassé 7 ou 8. Lorsque le chef déco m'a amené la caméra pour le dernier plan j'ai cru que j'allais m'étouffer. C'était un jouet ! Je n'avais jamais vu cette caméra de ma vie ! On a mis deux piles dedans et on a tourné ! Bon le dernier plan est un peu dense... Mais il est sublime, c'est un cinéma d'un autre temps ! Impressionniste par la lumière, expressionniste par le contraste.

 

 

            Quand je vois le film je me dis qu'on est parti quarante ou cinquante ans en arrière. Au début je cadrais avec un blouson sur la tête, pour étouffer le son, car ces caméras font beaucoup de bruit. Au bout de trente secondes j'avais de la buée et je ne voyais rien que des silhouettes. J'ai appris ensuite que les américains avait fabriqué un blimp pour les caméras Beaulieu. Le jour où on reçoit le blimp je me rends compte que c'est une boite en fer très sommaire... On s'est retrouvé avec une boite de conserve sur notre trépied. On est retourné dans les années 30, ce que je ne pensais pas qu'on allait faire... Raphaël pouvait regarder les cadres évidemment, mais sur certaines scènes c'était la confiance absolue.


 

 

 

            En plus de tout cela, c'est incroyablement dur pour un réalisateur de réaliser un film en improvisation sans le matérialiser un moment donné. La scène du début lors du repas est une petite folie. Mon seul interlocuteur était Raphaël. Je ne comprenais que 20% de ce qui se disait, j'étais en impro totale. Raphaël a côté de moi me racontait tout, et me disait  : « Pano à droite, pano à gauche, vas-y vas-y ! ». Quand je le faisais pas, ou que je retardais des mouvements, lui me poussait, il sentait les mouvements. Je n'étais qu'une prolongation de lui à un moment donné. Ça a été une énorme frustration dès le départ, de ne pas avoir accès à ce qu'il était en train de faire. Il a perdu son film plusieurs fois et il se posait tout le temps des questions...

            Alors il a trouvé un système. On avait une scripte qui écrivait tous les dialogues et avec un appareil photo on faisait une photo de chaque cadre à peu près dans la même valeur, et le soir on avait tous les plans dans la continuité du film. Ce qui a permis à tout le monde de voir le film. Ca nous a redonné une pulsion parce que j'étais un peu pommé par moment...

 

 


            Pour faire ce genre de film, il ne faut surtout pas se préparer ! Il faut juste une bonne dose d'inconscience ! Non mais sérieusement, si j'avais réfléchis à ce qu'allait être ce film je ne serai certainement pas parti. Je ne me prépare pas pour ce genre de film, sinon j'ai peur. La peur vient donc pendant, mais c'est un moteur.

 

J'ai voulu montré ce film car le cinéma est bouleversé aujourd'hui. Il  va continuer heureusement mais il y a des périodes où on va chercher autre chose, c'est une évolution logique des choses. En contrepartie je voulais montrer des choses un peu plus organique, ce qui fait partie de moi et de mon travail, de ma sensibilité. Je ne travaille maintenant pratiquement qu'avec des caméras numériques, j'en fait pas une religion de la pellicule. C'est passé mais j'en suis encore ému.

            Quand je revois I Am Josh Polonki's brother il me semble que j'ai envie de retourner à ce cinéma-là, beaucoup plus instinctif. Un ciné moins formaté où l'énergie est une manière de fonctionner et de construire en impro. Je pense notamment à un film sorti il y a pas longtemps Sur la planche... Un cinéma fait d'impro et d'énergie. Mais ce serait prétentieux de dire que je choisis les films ! Demain je fais un téléfilm et puis après il y aura d'autres expériences...

 

C'est un film qui me reste et qui a forgé ma manière de travailler. J'utilise maintenant beaucoup la lumière naturelle, car j'aime rentrer dans un lieu, le décortiquer, et voir comment un rayon de soleil va taper. J'aime analyser l'ambiance générale qui se dégage d'un lieu. Et à partir de là, reconstruire, appuyer ou enlever. Mais si ça me plait, je garde. C'est un peu plus compliqué dans I am Josh Polonski's brother car il y a une nécessité à éclairer pour voir, ce qui est un peu différent... Mais si je ressens les choses dans un décors et qu'elles sont conformes à un diaph choisis, je les laisse vivre sans trop les contrôler ! 

 



 

Intégralité de la discussion
Toute la discussion de la séance du 7 février, avec le chef-opérateur Laurent Brunet.
Rencontre avec Laurent Brunet- Josh Polo
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Prochaine séance

 

Mardi 6 octobre

2020

à 20H

 

JEUNE FEMME

 

 réalisé par

Léonor Serraille

 

En présence de la réalisatrice

Léonor Serraille

et de la cheffe-opératrice

Émilie Noblet

 

Celle d'après